Historique : |
bronze en cire perdue à la Kunsthalle de Hambourg ; l'admiration fervente de Carpeaux pour Michel Ange ne date sans doute pas de son séjour à Rome. Les deux Esclaves du Louvre et les moulages de la Vierge de Bruges et des tombeaux des Médicis à l'École des Beaux-Arts avaient déjà capté son attention, ainsi que la lecture de Dante. N'écrivait-il pas en 1854 à Bruno Chérier : Une statue pensée par le Chantre de La Divine Comédie et créée par le père de Moïse ce serait un chef-d'oeuvre de l'esprit humain. Le règlement de l'Académie de France à Rome imposait aux élèves une figure de composition et l'esquisse d'une autre en ronde-bosse pour la quatrième année, à exécuter en marbre au cours de l'année suivante. Après le Pêcheur à la coquille, Carpeaux s'attaque à son dernier sujet d'envoi. Il écrit à Ch.-L. Daragon le 19 décembre 1857 : ... mais ce qu'il y a de plus heureux encore, c'est que je viens de trouver ma composition de dernière année, c'est un groupe de quatre figures... le sujet est dramatique au dernier degré, il y a une grande analogie avec le Laocoon... La première recherche de Carpeaux pour illustrer ce thème est de l'ordre du bas-relief, en manière d'arcosoleum, avec le corps d'Ugolin épousant le cintre, au-dessus de l'amas des enfants gisant à terre. De nombreuses études d'hommes rampants (Val. 22, 83, 4I, 237) et d'enfants morts (EBA I787-543, 54I542) en témoignent, ainsi que des croquis de détails, bras, jambes, attitudes (EBA. I787-82). Parmi celles-ci, des sujets directement inspirés par le jugement dernier de Michel-Ange, du groupe des damnés en particulier (Val. 334, n° 52), et même par Le Radeau de la Méduse de Géricault (Va. I327-369). Ces références n'excluent pas les exemples pris sur le vif et, si l'on en croit Emile Lévy, dans une lettre à Eugène Fromentin : ... pour son bas-relief d'Ugolin, il avait recueilli dans son atelier une famille de paysans pouilleux et déguenillés qui y vivaient et mangeaient et dormaient, le tout à ses frais. Plus tard, en 1861, Carpeaux courra Rome dans tous les coins et essayera quarante modèles pour trouver vingt-deux types physiques d'Ugolin (lettre à l'architecte Dutouquet de l'Académie). Schnetz, le directeur, qui disait de Carpeaux qu'il ne savait rien faire comme tout le monde, le sommait d'abandonner ce travail, ne pouvant tolérer trois figures ; il écrivait à M. de Mercey le 23 mai i1859 Il faut qu'il fasse presque un chef-d'oeuvre pour se faire amnistier. De fait, Carpeaux s'essayait bien à un saint Jérôme, à un saint Sébastien, puis à un groupe de Paul et Virginie, mais il ne pouvait se résigner à l'abandon d'Ugolin. Le salut vint de l'intervention de jeunes diplomates, ses amis Tissot et le marquis de Piennes, artistes à leurs heures. Je continue Ugolin, avait écrit le 2I mai Carpeaux à J.-B. Foucart, j'en ai ramassé les morceaux le mercredi des Cendres... Au terme de son séjour, malade et dépourvu d'argent, Carpeaux rentre à Paris, où M. Fould, ministre d'État chargé des Beaux-Arts, le convoque et, sur la foi du grand dessin que lui montre le sculpteur, lui accorde la prolongation demandée du séjour à la Villa Médicis. A Valenciennes, avec le fils de son ami Foucart, il grave son Ugolin. Carpeaux, dans une maquette en terre, reprend son groupe et y joint son quatrième personnage. Le 10 août, il est de retour à Rome : j'ai repris mon Ugolin avec un plaisir fou r au 9 mars, à l'École des Beaux-Arts de Paris, où il fera l'objet d'un rapport défavorable de la part de l'Institut dans sa séance du 8 mars 1862. Le marché espéré ne sera pas accordé par l'État, le bronze, commandé pour 30.000 francs le 26 juin 1862, sera fondu le 12 mars 1863 par Thiébaut ; exposé au Salon de cette année, il sera affecté au jardin des Tuileries en pendant à une copie du Laocoon. Il entrera au Louvre en I904 Le marbre sera exécuté pour l'Exposition universelle de 1863 par la Maison Derville, propriétaire des carrières de Saint-Béat ; il appartient aujourd'hui au Metropolitan Museum de New York. Il en existe une terre cuite, réalisée à Auteuil par Carpeaux, à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague. Victor Beyer
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