Historique : |
Bien que Renoir se satisfît volontiers de l'appellation de peintre de figures sous laquelle la critique rassemblait le meilleur de sa production, l'artiste pratiqua tout au long de sa carrière la peinture de paysage. Jusqu'à la fin de sa vie, ce motif devait pourtant lui poser problème ; il y voyait l'une des plus grandes difficultés de son métier, ainsi que le rapporte René Gimpel dans un entretien qu'il eût avec le vieux peintre en 1918 : " Le paysage, c'est l'écueil de la peinture. On pense parfois qu'il est gris ; ah ns une nature laissée à l'état sauvage. Pins à Cagnes est l'une de ces oeuvres où la nature ne semble pas le moins du monde troublée par la présence humaine. Sûr de son métier, Renoir s'y révèle un coloriste virtuose. Fermement campé par les deux pins qui lui donnent sa stabilité, ce tableau est peint avec une matière très sèche qui laisse souvent apparaître le grain de la toile. La touche est d'une telle liberté qu'il semble que le vieil artiste ait peint cette oeuvre d'instinct. Son pinceau sait à merveille épouser la silhouette des troncs et des branches et s'abandonner à la plus grande vivacité pour décrire le feuillage des arbres. Le tracé infime de la ligne d'horizon tend à confondre le ciel et la mer dans une même étendue bleue, tandis qu'au premier plan, une végétation parcimonieuse, propre aux paysages méditerranéens, est traitée avec une telle rapidité que l'ensemble deviendrait presque malaisée de lecture si les pins n'étaient là pour indiquer qu'il s'agit bien d'un paysage. Peinte dans des tonalités plutôt froides cette oeuvre est cependant réveillée par les jaunes d'or qui resplendissent dans les aiguilles de pin. Dans la partie inférieure, une simple goutte de rouge carmin posée à la base du pin de gauche entre en vibration avec les buissons verts alentour. Quelques empâtements blanc dans les branches suffisent à Renoir pour situer l'action de la lumière. Sur les troncs il met en pratique ce qu'il tentait d'inculquer à un jeune artiste : " Regardez les ombres. Elles sont beaucoup trop sombres. Cet arbre, par exemple, a la même couleur du côté soleil que du côté ombre. Mais vous le peignez comme s'il était deux objets différents, un clair et un sombre. Et pourtant la couleur de l'objet est la même avec simplement un voile jeté dessus. Parfois ce voile est fin, parfois épais, mais il y a toujours un voile. Vous devriez peindre comme cela ; peindre l'objet et ensuite jeter un voile dessus... " Dans Pins à Cagnes, Auguste Renoir utilise un base de rouge pour peindre les troncs des arbres mais il varie les valeurs du rose au brun, selon la partie d'écorce exposée à la lumière. Dans les frondaisons, il restitue ce qu'une longue observation de la nature lui a enseigné : " La couleur, elle n'est pas sur les feuilles mais dans les espaces vides ", ainsi décline-t-il entre les branches des pins des verts passés, des jaunes affaiblis et de vieux roses qui rappellent les couleurs utilisées dans le feuillage. Ce tableau limpide, qui paraît avoir été enlevé telle une pochade, consacre le talent d'un artiste qui, à la veille de sa mort, est parvenu à rendre instinctif un métier résultant de toute une vie de recherche. (Jean-Pierre Mélot)
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