Historique : |
Ce dessin de Géricault se rapporte au tableau "Le Radeau de la Méduse", présenté au Salon de 1819 et conservé au Musée du Louvre. L'histoire à laquelle l'artiste fait allusion est connue : en 1816, la frégate "La Méduse" sombre au large du Sénégal. Le capitaine et les officiers embarquent dans le canot de sauvetage où les places sont limitées, les cent cinquante passagers et membres d'équipage restant montent sur un radeau attaché au canot dont l'amarre sera rompue par le capitaine. Le radeau dérivera treize jours pendant lesquels les scènes les plus atroces se dérouleront, dont une mutinerie et des actes de cannibalisme. Quinze survivants seulement seront recueillis par le navire "L'Argus". Géricault décide au printemps de 1818 de consacrer un grand tableau à cette affaire et en cherche l'épisode le plus significatif : mutinerie sur le radeau, scène de cannibalisme, apparition de "L'Argus" ou sauvetage des rescapés. Il semble qu'il ait d'abord songé à cette dernière possibilité : c'est l'épisode qu'il a figuré dans le présent dessin, dont il existe une autre étude (Paris, coll. part., anc. coll Dubaut) où les embarcations sont vues de trois-quarts arrière gauche, en plongée, avec les survivants qui montent dans le canot. Ici, la barque de sauvetage de "L'Argus" est au premier plan, vue de côté et ses marins aident les rescapés à monter dans l'esquif. Lorenz Eitner (1972) remarquait que cette composition était assez proche de "L'Embarquement de la Duchesse d'Angoulême" que le baron Gros avait présenté au Salon de 1819, en même temps que le tableau de Géricault. C'est peut-être une coïncidence, mais il n'est pas exclu que Géricault ait pu voir le tableau de Gros dans l'atelier pendant l'exécution. Ce beau dessin au trait, où la manière "antique" de l'artiste reste très sensible, est donc à dater de la première moitié de 1818. Sylvain Laveissière (1991-92), sans pour autant remettre en cause l'hypothèse d'Eitner, y voit aussi d'autres analogies : "Etrangement, mais le cas n'est pas isolé, ce dessin n'est pas catalogué par Clément, qui l'a pourtant reproduit dans son étude en 1867. La scène, au premier plan de laquelle est le canot de sauvetage envoyé par l'Argus, avec son rameur de dos, renvoie à maintes compositions faisant intervenir un embarquement ("Ariane abandonnée", "L'Enlèvement d'Hélène", "Renaud quittant Armide"...), telles que les a conçues la peinture maniériste des XVIe et XVIIe siècle, de Primatice à Dubois (...) On trouve déjà, à l'extrême gauche, le personnage aux bras levés et aux mains jointes qui apparaît en sens inverse dans la Mutinerie." Un dessin, également intitulé "Le Sauvetage des rescapés" et conservé à l'Art Institute de Chicago (inv. 1973.721), représente le canot de sauvetage sous un autre point de vue qui privilégie ici l'un des rescapés vu de dos et se précipitant dans les bras de son sauveur.
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