Historique : |
Ce dessin, conservé dans la famille Hugo jusqu'en 1962, a été exécuté pendant l'exil de Victor Hugo dans les îles anglo-normandes. Situé par Pierre Georgel (1971) vers 1853-1855, il fait partie d'une série qui a pour thème un disque (le soleil, une planète) jeté dans l'encre noire (les ténèbres, le cosmos). L'interprétation reste difficile : oeuvre méditée ou simple expérience technique ? Il n'y a plus rien de commun avec les oeuvres de la période précédente. C'est le moment, note Pierre Georgel, où "le dessin devient un espace liquide, indéfini, où la rêverie suscite et anéantit des linéaments de formes [...] Le graphisme s'abolit au profit de la tache, pure recherche de valeurs, de matière, coulée hasardeuse d'où l'imagination analogique dégage des formes imprécises". De semblables pages ont pu faire parler de "tachisme". Victor Hugo, exploitant un hasard à peine contrôlé et jouant de la fluidité de l'encre de Chine, improvise, superpose, frotte, essaye, imprime un disque et crée, sans parti-pris, une oeuvre d'où toute narration est exclue, abstraite en quelque sorte, "informelle" si l'on veut, et dans laquelle l'"inspiration" a eu la plus grande part. Pierre Georgel a rapproché avec justesse cette rêverie cosmique des premiers vers de "La Fin de Satan" (texte de mars 1854) : "[...] Le soleil était là qui mourait dans l'abîme. L'astre, au fond du brouillard, sans air qui le ranime, Se refroidissait, morne et lentement détruit. On voyait sa rondeur sinistre dans la nuit ; Et l'on voyait décroître, en ce silence sombre, Les ulcères de feu sous une lêpre d'ombre.[...] L'astre était presque noir[...]"
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