Historique : |
Cette scène réaliste offre un contraste saisissant avec "Le Concert" (inv. DG 705). Mais dans cette aquarelle d'une belle transparence, aux accords raffinés de roses et de gris froids, quelque peu fantastique, Gustave Doré insiste sur les racines des arbres auxquelles il confère un caractère inquiétant. Le sujet, un berger monté sur des échasses, la végétation, les pins, le paysage particulièrement plat, l'étang qui se dessine au loin, permettent de voir dans cette page une évocation des Landes. Serge Lemoine notait toutefois qu'Henri Leblanc, dans son Catalogue (1931), signalait un "Pâtre conduisant des chèvres (Ecosse)" qui pourrait coïncider avec cette aquarelle (les dimensions sont identiques), ce que confirma Françoise Baudson (1974). L'aquarelle cataloguée par Leblanc a figuré à l'exposition du Cercle de la Librairie en 1885 (n° 185) où elle figurait sous la date de 1881. Marie-Jeanne Geyer (1983), qui situe ce dessin aux alentours de 1873, reprend cette hypothèse à son compte : "Cette scène peut être rapprochée, tant par son sujet que par certains éléments du paysage, de la large aquarelle "Paysage d'Ecosse". Les mêmes pins aux troncs décharnés y dressent leur feuillage horizontal et un berger conduisant son troupeau anime l'impressionnante vision panoramique de la lande écossaise. La présence toute anecdotique du petit groupe semble être devenue, par un renversement de perspective, le sujet principal du paysage ramené ainsi à une dimension plus humaine. Un sujet semblable, "Pâtre conduisant des chèvres (Ecosse)" (...) pourrait, avec ses dimensions identiques, correspondre à cette aquarelle." Serge Lemoine rapproche également ce dessin, par son sujet, par le traitement du paysage, des arbres et de la lumière, du "Rassemblement des troupeaux dans le Bois de Boulogne". Ce dernier, signé et daté de 1870, est un dessin au lavis et à la gouache acquis par le Musée du Louvre en 1973. Doré a souvent évoqué dans ses illustrations pour la Bible, "Atala", la "Divine Comédie", dans ses tableaux ("Scène alpine", Chicago, Art Institute) ces grands arbres verticaux dont les racines rappellent les serres des oiseaux de proie. Une autre feuille, conservée en mains privées, "Cerfs dans la forêt", est également très proche du dessin de Dijon : même composition dominée par la verticalité des arbres aux troncs fins et élancés, même atmosphère fantastique. Pierre Granville, réservé sur le talent d'illustrateur de Doré, estimait que sa "liberté d'écriture [...] est à coup sûr sauvegardée quand il traite sur le motif un paysage où son imagination n'a pas lieu de déborder" ("Les débordements de l'imagination", Le Monde, Paris, 4-5 août 1974).
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