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Tancrède (Voltaire)
Tancrède est une tragédie de Voltaire en cinq actes et en vers. Elle fut donnée pour la première fois sur le Théâtre de la rue des Fossés à Paris, le 9 mars 1760. La pièce, dans sa nouveauté, eut treize représentations. À la reprise de 1762, le public ayant accueilli un soir, par de bruyants applaudissements, quelques vers de Tancrède, dont on avait voulu faire l'application au maréchal de Broglie, récemment exilé, la tragédie de Voltaire fut interdite jusqu'à nouvel ordre. Tancrède est un des ouvrages de Voltaire, et c'est dire de tous les tragiques, où il y a le plus de magie théâtrale, où elle agit le plus secrètement, et se fait sentir avec le plus de violence et de charme. Quand Voltaire fit représenter Tancrède en 1760, les deux premiers actes parurent un peu longs; cela pouvait annoncer un défaut, et n'en était pas moins un éloge. En occupant sans cesse les spectateurs, de Tancrède, de sa valeur, de son amour, de ses dangers, de l'amour et des dangers de son amante, le poète avait fait attendre Tancrède avec une impatience égale à l'intérêt qu'il avait su inspirer; et, lorsque Tancrède parut, lorsqu'au troisième acte il prononça ce vers sublime de situation, II s'en présentera, gardez-vous d'en douter le parterre dans l'enthousiasme, sembla non moins qu'Argire et Aménaïde voir en lui, son libérateur. Ce fut dans ce troisième acte qu'où vit pour la première fois sur la scène les combats, les cartels de l'ancienne chevalerie et tout cet appareil rendu vraiment tragique par la force des situations, est une de ces richesses nouvelles que notre théâtre doit à Voltaire. La scène du quatrième acte entre Aménaïde et Tancrède, cette scène de deux amants dont l'un a combattu pour sauver ce qu'il aime, dont l'autre a voulu mourir pour lui; où Tancrède se montre accablé de la perfidie trop vraisemblable de l'amante, la plus fidèle et la plus tendre, sans que cette amante, qui lui parle, puisse dire un mot qui la justifie, et appaise les déchirements de son cœur; la scène qui suit avec Fanie où ce vers, II aura donc pour moi combattu par pitié découvre tout le sublime aussi neuf que tragique de cette situation : la scène où Aménaïde révèle à son père que Tancrède a été son vengeur; ces mots qu'elle adresse, à Tancrède absent au moment où elle vole aux combats près de lui, je veux punir ton injustice en expirant pour toi; enfin ce dénouement touchant et terrible, d'un si beau pathétique et d'un si grand effet théâtral ce dénouement qui a fait verser tant de larmes; tout cela était autant de beautés inouïes, dont il ne faut chercher la source que dans le cœur des amants, l'âme des héros, et les créations du génie. Ce qu'il y a de plus admirable peut-être dans un ouvrage où il y a tant à admirer, ce sont les caractères de Tancrède et d'Aménaïde. La Harpe qui parait avoir fait une savante analyse de cette tragédie, semble ne pas avoir assez développé ce que ces caractères ont d'original, et les traits vivement prononcés qui les distinguent entre tous les héros tragiques. Tancrède né du sang français a servi à la cour des Empereurs; il unit à l'esprit chevaleresque une élégance de mœurs et une valeur éblouissante, Français, généreux, confiant, magnanime, chevalier plein d'honneur, amant passionné, il est aussi brillant dans ses amours que dans ses combats. Hasardeuse dans ses démarches, impétueuse dans sa passion, Aménaïde est toute Sicilienne : mais élevée dans une Cour polie, elle unit la grâce à la fierté, et l'aménité des mœurs à l'audace de la passion, à toute la fougue du caractère. Peut-être le personnage de Tancrède n'est-il pas très inférieur à celui d'Orosmane; et ce caractère d'Aménaïde me paraît encore au-dessus du caractère plein de charme de Zaïre. Il n'a manqué à la tragédie de Tancrède, pour s'approcher beaucoup de Zaïre elle-même, qu'un mérite égal dans le style. Celui de Tancrède est souvent faible et sans couleur; mais dans le dialogue passionné on reconnaît encore souvent le pinceau de Voltaire. Sa rigueur parut trop affaiblie dans les pièces qui suivirent Tancrède, et ses couleurs brillantes s'étaient presque effacées. Mais ces ouvrages, même de la vieillesse d'un grand homme, peuvent être étudiés avec fruit.